samedi 16 juin 2007

Critique Figaro "La cage aux phoques"







Au fil du temps, l’œuvre des Gabinets acquiert une consistance et surtout une lisibilité prouvant que les auteurs suivent un dessein qui se dévoile par touches successives, jusqu’à ce que la cohérence ne devienne, en fin de compte, évidence.
Après « Miss Lulu », critique de l’hypocrisie sociale vis-à-vis du sexe, puis « Fosto », héros tourmenté confronté au mensonge de son existence, voici « La Cage aux phoques ». Le thème del’île déserte si chère à la mythologie occidentale, depuis Robinson jusqu’au marins du Bounty, trouve ici un développement nouveau et inattendu.
Car sous ce titre dérisoire destiné à détourner l’attention du spectateur jusqu’au lever de rideau se dissimule un sujet qu’il faut aborder selon plusieurs niveaux de lecture.
La dimension sociologique est la plus facilement appréhendable : cette microsociété constituée d’individus rapprochés par le seul hasard se restructure en définissant ses propres règles morales : respect des hiérarchies prédéfinies, non-agression entre les membres de la tribu, rejet de l’étranger sous couvert d’accueil et cérémonies barbares scellant le pacte de sang qui unit les naufragés. Jusqu’au fameux guano qui est censé les soigner, mais qui les délivre de l’agressivité sexuelle et qui donne sans doute mauvais goût à leur propre chair pour éviter qu’ils ne retournent contre eux leur violence. jhfgjtrgfhu$ytopjhytj$hop
Dimension philosophe, car dans cet univers clos, ce « huis clos » au sens sartrien du terme, l’enfer, c’est bien sûr les autres, sous le regard lesquels il faut exister, sans possibilité d’isolement et surtout sans espoir de retour. Car ils savent qu’une évasion les conduirait à affronter leur propre culpabilité vis à vis du monde dont ils se sont exclus par leur faute impardonnable, et qui les jugerait sans faiblesse s’ils tentaient d’y revenir.
Dimension psychanalytique enfin, puisqu’ils refoulent dans leur inconscient la honte d’avoir violé un interdit majeur, mais aussi le poids des frustrations inhérentes à chaque personnage : depuis le commandant, qui a jeté le bateau sur le récif, à la gouvernante incapable d’éduquer les enfants qui lui ont été confiés, jusqu’à la cuisinière obligé de renier ses principes gastronomiques, etc. Et le guano, symbole de leur régression au stade anal, souligne leur incapacité à s’assumer en tant qu’adultes responsables de leurs actes, à échapper à cette condition quasi-animale de prédateur victimisé, obsédé par une espèce devenue à la fois sujet et objet, en quelque sorte « loup-phoque » au regard de l’analyste.

Le véritable sens de l’histoire est que les phoques ne sont ni les navigateurs solitaires ni ceux qui les regardent, mais les naufragés eux-mêmes, colonie animale retranchée du monde, dans un univers hostile où le combat pour la vie doit épargner ceux qui sont contraints d’y survivre. Ce sont eux et eux seuls qui sont prisonniers de la Cage qu’ils ont construite et dont ils ne peuvent s’évader.
La condition humaine est-elle si fragile pour que des humains choisissent – mais ont-ils été réellement libres de le faire ? – d’y renoncer pour sauver leurs existences, telle est la leçon que les auteurs de la « Cage aux phoques » nous invitent à méditer.
Il faut absolument voir cette pièce qui ne cessera sans doute de hanter nos consciences, même si l’on en on sort avec un sentiment d’amertume et de doute existentiel.

1 commentaire:

yo a dit…

"Très juste"

Voltaire