samedi 16 juin 2007

Critique Télérama de "la cage aux phoques"


Jusqu’à quand les « Gabinets », une prétendue troupe théâtrale au nom ridicule, va-t-elle continuer à produire de navrantes comédies « musicales » qui sont une atteinte non seulement au bon goût, mais aussi à l’idée qu’on peut se faire de l’art dramatique ?
Leur dernier chef d’œuvre, dénommée spirituellement la « Cage aux phoques », est peuplée de calembours approximatifs et de plaisanteries homophobes qu’ils qualifient sans doute d’humour, mais qui ne parviendraient pas à arracher un sourire au plus tolérant des spectateurs.
Ce serait leur faire trop d’honneur que de dévoiler le sujet de l’intrigue, plus apte à susciter la répulsion que la sympathie, et qui n’est qu’une nième variation sur le thème du naufrage. Comédie de boulevard ? Même pas. Ou alors à peine au niveau du trottoir.
Une musique bruyante et répétitive et des ballets qui auraient leur place dans un lieu d’aisance auraient au moins l’avantage de suspendre de temps à autre ce flot d’insanités, si les auteurs n’avaient cru bon de truffer leurs rengaines de propos sexistes ou même carrément scatologiques.
Qu’on ait l’esprit potache à quinze ans et l’esprit carabin à vingt peut se comprendre, mais l’âge moyen des acteurs interdit l’indulgence complice qu’ils voudraient sans doute nous voir manifester.
Si vous souhaitez échapper à ce genre de pantalonnade, allez plutôt voir cette semaine au Théâtre Thermidor la superbe pièce de Schloldorfenberg « Vas-tu à la pêche ? » écrite pour deux personnages : dans un décor volontairement dépouillé – une chaise et un bocal de poissons rouges-, deux personnages dont l’un est mal-entendant et l’autre aphasique, échangent des répliques rares mais pleines de dramatiques fulgurances.
Des grincements de porte et des bruits de rue ponctuent le déroulement de l’œuvre, sévère et pourtant d’une étrange gaîté, qui nous promène avec une invention audacieuse dans un univers improbable où l’on ne sait plus si les délires fétichistes sont rêvés ou réellement assumés. Le spectateur s’égare cette sarabande de silences signifiants pour mieux se retrouver sur la poignante réplique du malentendant « Ah, je croyais que tu allais à la pêche !». Cette incertitude laisse au public un territoire imaginaire où il peut se choquer, voguer. Ailleurs et vite. Avec une délicieuse liberté.
Ce spectacle de haute tenue n’aurait pu cependant voir le jour sans le soutien financier du Conseil Général des Hauts de Seine, du Ministère de la Marine, de la Fondation Groutchevski, de la MJC des Minguettes, ainsi que de la ligue contre la maladie de
Schnozer. On ne dira jamais assez que ce théâtre alternatif témoigne d’une politique inventive, reflétant l’exception culturelle française, même si le public est parfois réticent à accepter des innovations qui lui permettent pourtant d’accéder à des concepts autrement plus dérangeants que les pitreries dont nous avons (trop) parlé.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

"Je considère Yves Boucaud comme mon fils spirituel"
Alain Delon